Le marché des imprimantes 3D personnelles

Lors d’un déjeuner avec Antoine Angot, nous avons abordé le sujet des imprimantes 3D. J’ai voulu noter les points qui me trottaient dans la tête depuis un moment. À signaler, ceci couvre les machines basiques — qui impriment en plastique, céramique, métal, etc. — pour des produits courants et domestiques, et non pas les machines spécialisées en biologie, pharmaceutiques ou nourriture, etc. [Repris et adapté depuis un poste sur Google+ le 12 mars 2015]

1 – Je propose que s’il y a décollage d’un marché domestique pour des imprimantes 3D, cela viendra du marché des pièces détachées.

1.1 – Donc, l’endroit logique de les trouver sera dans les boutiques comme Castorama, Bricorama, Leroy-Merlin.

1.2 – Pour les besoins des fabricants et partenaires — fiabilité, vitesse, robustesse, finition… — les machines risquent de coûter plus cher, or cette utilisation plus orientée professionnelle serait plus apte à les rentabiliser.

2.0 – Pourquoi ce système ?

2.1 – Parce que le problème pour les fabricants est que les pièces détachées sont encombrantes, chers, enquiquinantes… mais nécessaires.

2.2 – Il faut fabriquer les pièces d’avance [quand vous avez les machines, les moules, etc. toujours en place], donc une partie de votre trésorerie y est gelé.

2.3 – Les quantités sont imprévisibles car il faut faire les pièces avant d’avoir une bonne idée des besoins : ensuite, si vous en faites trop, c’est du gaspillage [temps, espace, argent…] ; pas assez et les clients sont mécontents, parlent d’obsolescence programmée, etc.

2.4 – Il faut entreposer les pièces, parfois pendant des années. AU contraire des pièces nécessaires pour la production, les pièces détachées et de remplacement ne sont jamais nécessaires à ce moment.

2.5 – Il faut les tracer, les transporter, les documenter… Des pièces détachées ont besoin de toute une infrastructure. Et ce, bien au-delà de la temps utile de production du produit initial.

2.6 – À cause des conditions particulières de production des pièces détachées, les fabricants n’ont pas les mêmes économies d’échelle qu’avec la fabrication initiale.

2.7 – À cause de ceci, les pièces sont souvent chères.

2.8 – Parce qu’ils sont chers le client est souvent convaincu qu’il s’agit d’une stratégie de les exploiter car ils sont liés au produit ou marque. [On ne remplace que difficilement un objet qui coûte 500 euros parce qu’une pièce qui coûte 5 euros a besoin d’être remplacée. Mais si le client doit payer 15 euros pour cette pièce dont il estime la valeur à 5, il peut être très mécontent…]

3.0 – Permettre à des pièces détachées d’être produites sur des machines CNC [fonctionnant par découpe numérique] ou des imprimantes 3D, diminue ces problèmes pour le fabricant.

3.1 – Le fabricant peut téléverser les plans sur une base de données centralisée, et éventuellement toucher des royalties à chaque utilisation.

3.2 – Des pièces détachées peuvent ainsi devenir une source de revenu au lieu d’un coût.

3.3 – Je crois que certains fabricants outsourcent déjà leurs pièces à Shapeways : voir ici & ici.

3.4 – Le fait de passer par des chaînes de magasins et grossistes existants — bricolage, réparations automobile, fournitures en gros… — permet aussi de contrôler le processus de production et finition, et ainsi la qualité des pièces produites.

4.0 – Les freins : les systèmes de production actuels n’intègrent pas cette idée. Dans certains cas, il faut repenser la manufacture et production avant de voir les bénéfices. Est-ce un système trop complexe à généraliser.

5.0 – Quel serait l’avantage concurrentiel [voir le potentiel pour disruption] pour des fabricants qui peuvent intégrer cette manière de travailler ?

5.1 – Comme exemple, voir comment Tesla repense la voiture.

5.2 – Ceci est probablement un modèle plus intéressant que Project Ara ou PhoneBloks.

Conclusion

6.O – L’impression 3D ne décollera pas d’une utilisation d’imprimantes 3D chez soi [sur le modèle des ordinateurs ou imprimantes papier], même si le marché domestique est le seul à faire décoller ce produit. Donc l’utilisation sera spécialisée, au moins dans une premier temps.

6.1 – L’utilisation [et donc la familiarité] viendra des endroits que le public fréquente déjà — magasins de bricolage, boutiques de réparations, bibliothèques… — plutôt des endroits spécialisés comme les HackSpaces/FabLabs.

6.2 – À part les pièces détachées, quels autres produits pourraient être ‘perturbés’ [sujet à disruption] de cette manière : la productions de clés ? Des jouets ? Des pièces pour jeux de plateau ? …

À suivre.

2 commentaires

  1. Sujet à discussion oui.
    Je suis très partagé sur les imprimantes 3D.
    Effectivement, je pense que tu as ici posé les questions de bases que l’on peut se poser sur le sujet.

    J’ai pour moi d’autres problèmes par rapport aux imprimantes 3D : quel en sera la législation ?
    Imaginons j’ai une pièce de ma voiture qui vient de se casser. Bonne personne, je vais voir mon garagiste qui m’annonce une facture bien trop salé à mon goût. Solution, une connaissance d’une connaissance – etc – connait quelqu’un qui pourrait m’imprimer cette pièce sur une imprimante 3D de bonne facture pour moins cher. J’accepte, remplace ma pièce, et tout fonctionne, jusqu’au moment ou cette pièce, sur l’autoroute, après s’être fissurée, craquelle et finie en miettes. Perte de contrôle du véhicule, accident.
    À qui revient la faute ? Le constructeur, celui qui a imprimé la pièce, moi ? Dans tous les cas, on peut le contester, créant une vraie source de conflits pour les assureurs.

    Bien sur, l’exemple présenté ici est un peu gros, mais le principe même de l’impression 3D est de pouvoir remplacer des pièces qui ont cassées …

  2. D’où l’intérêt d’avoir un structure — magasin de bricolage, pièces détachées… — qui peut être le garant que le système est fait selon des normes constructeurs.

    Effectivement, le fait d’éparpiller la production peut créer des problèmes. Mais, tant qu’il n’y a pas de malveillance, les accidents font partie de la vie… On peut considérer que la contrefaçon des pièces de rechange de voiture est déjà un problème.

    À suivre.

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