Le design interactif aujourd’hui [III]

Le fait d’afficher quelque chose à l’écran [ou de projeter quelque chose] ne le rends pas digital dans sa nature, seulement numérique dans son expression. Or, il est intéressant de voir comment l’expression peut être fidèle à la nature des informations ou l’expérience. Si l’interaction peut avoir lieu dans un autre média — typiquement le papier — alors nous ne sommes pas confrontés à quelque chose de digital dans sa nature.

Ce qui nous amène à la nature de l’interactivité et le contraste avec une nature réactive [et non pas interactive] d’un dispositif.

Pour aborder la notion d’interaction il est intéressant de poser la question : qu’est-ce que l’installation [application, site, livre, présentation, etc.] veut ? C’est quoi son intention, ou le désir de son créateur comme exprimé à travers l’installation ? Comment fait-il pour provoquer une réaction [et donc mettre en place une interaction] de la part du spectateur/participant ? Est-ce que le but ou le désir, la capacité ou le pouvoir d’agissement [en anglais on parle souvent de ‘agency’, la capacité d’agir, d’être un agent] de la proposition est autonome, ou suffisamment avancé pour donner cet perception ?

Un exemple classique de cette proposition est l’agissement des ‘fantômes’ dans le jeu PacMan. Chaque fantôme — Blinky, Pinky, Inky, Clyde — a un comportement propre envers PacMan. C’est n’est pas compliqué — il s’agit de règles assez simples — Blinky ‘cherche’ à attaquer PacMan directement, Pinky ‘veut’ tendre un embuscade, Inky se comporte de manière assez aléatoire, et Clyde donne l’impression de vivre sa vie tranquillement. Mais ces comportements sont suffisant pour nous donner l’impression d’un trait de caractère, un comportement [et donc une identité] propre. Nous sommes clairement dans une expérience interactive, où le système ne se contente pas de réagir à notre présence, mais chaque partie réagit en fonction de l’autre, et que chaque partie a ses propres buts.

[Vidéo] PacMac / DR

Ici, il est aussi intéressant d’aborder la notion des affordances, des indices qui nous informe et incite à employer un système selon un certain ordre ou d’une manière prédéterminée. Le cas classique d’une affordance est la poignée de porte. De part sa présence elle nous indique que c’est une porte et non pas un mur ou autre barrière, de plus, elle nous indique comment manipuler la porte pour la franchir. Des affordances semblables doivent exister dans des interfaces et des expériences digitales.

Aparté : pourquoi les livres et le jeu fonctionnaient en tant qu’expériences ? Parce que nous n’avons pas besoin de mode d’emploi. Nous savons immédiatement comment [ré]agir. Ce qui met le doigt sur un des problèmes majeurs auquel nous sommes confronté dans le DI. Il est intéressant que la notion de gamification trop souvent est apparenté à créer des motivations artificielles à travers des mécanismes venant des jeux — le récompense aléatoire lors des tâches ingrates à effectuer, les badges et autres signes de reconnaissance… — mais le fait de jouer est dans la nature des humains [voire des mammifères], et peux nous apprendre beaucoup de choses sur le désir des humaines à comprendre et à interagir avec des systèmes complexes, tant que ces systèmes restent cohérents.

Figure 1

 

Passif Réactif Interactif
Physique . . A
Digital . A X

Dans ce schéma, une peinture serait passive et physique/analogique. Un livre serait réactive [plus ou moins] et physique/analogique aussi.

Le réactif est assez ennuyeux et, au fond, fonctionnel — je clique un bouton ou un hyperlien, telle chose se produit. Le seul apport du numérique est la non-linéarité mais ça ne suffit pas pour créer une vraie expérience interactive. Par contre, cela peut suffire à l’utilisateur si les choix [et les réactions] disponibles lui permettent de satisfaire un besoin fonctionnel donné — acheter des billets en-ligne, connaître son compte en banque ou des horaires de cinéma, retoucher une prise de vue ou mettre en page un livre…

Mais inversement, il y a un autre zone intéressant à explorer qui est les interactions dans le monde physique — les zones marquées ‘A’. Cela amène à l’UX et le design de expérience ou des services. Ou, on peut regarder certaines des expérimentations des éditions Volumiques qui sont interactives mais analogiques.

Mais en fin de compte, Le ‘X’ marque le point que nous cherchons le plus souvent à atteindre — une expérience à la fois digitale, et interactive.

Quelques liens chez les éditions Volumiques :
* Labyrinthe de papier #2
* Livre à lecture combinatoire
* Aléas, un livre/jeu

À suivre.