Suite à l’article de Jonathan sur les infographies et les data visualisations la semaine dernière, je me suis dit qu’il serait intéressant de parler un peu sur la typologie de ces deux formes de représentations visuelles qui sont le sujet de nombreuses amalgames. Un coup on parle d’infographie, un coup on parle de data visualisation pour le même travail graphique, or il s’agit bien de deux procédés différents.
J’entends par infographie non pas le métier de graphiste assisté par ordinateur mais plutôt l’objet graphique informatif (« information graphic »).
À simple vue, on les distingue plutôt facilement. Les infographies détaillent des faits et des idées de façon illustrée, tandis que les data visualisations rendent visibles des donnees de façon plus mathématique, par l’utilisation d’algorithmes. Cependant, dès que des diagrammes apparaissent dans les infographies, cette distinction peut sembler se brouiller très rapidement.
L’infographie est essentiellement illustrative. On pourrait presque enlever tout aspect graphique et se concentrer sur l’idée transmise, sous forme d’une liste de faits, mais ce serait, sans doute, moins drôle. Et bien qu’il existe une mode, assez fâcheuse, des infographies agglomératives et tape-à-l’oeil sur le net (d’ailleurs, des fois, elles n’ont aucun sens), je pense, pour ma part, que les infographies apportent quelque chose : du journal scientifique aux livres pour enfants…
Elles sont utiles du fait que l’être humain traite les informations visuelles très rapidement, mais aussi parce-qu’on a rarement le temps et/ou la patience de lire de grandes publications techniques. Une fois la cible bien définie, l’infographie peut transmettre une idée de façon plus abordable, plus rapide et même plus compréhensible parfois. L’infographie a un rôle vulgarisateur.
La data visualisation, quant à elle, est plutôt exploratoire. Par la représentation visuelle, elle rend lisible les rapports entre les différentes données, ce qui est aussi possible du fait de notre capacité à traiter les données visuelles et trouver des motifs, des structures. L’aspect illustratif est pratiquement nul et les graphismes ont généralement une place secondaire.
Mais ce qui m’intéresse le plus, ce n’est pas l’ensemble des différences visuelles qui existent entre data visualisation et infographie, mais plutôt la place du discours et de l’idée dans le processus de création de ces deux types éléments graphiques. Voici comment je vois les choses:
données > analyse > discours > infographie
données > data visualisation > analyse > discours
Là où la data visualisation utilise directement ces données, l’infographie se concentre sur un discours déjà construit.
La data visualisation, en quelque sorte, précède l’infographie. Dans ce sens, et suivant cet ordre, il n’est pas étonnant que les infographies reprennent des diagrammes typiques de la data visualisation pour appuyer leur discours.
D’ailleurs la data visualisation est souvent utilisée dans des domaines scientifiques précisemment parce qu’elle permet d’explorer de grandes quantités de données de façon visuelle et claire. Des algorithmes sont créés, non pas pour soutenir une idée, mais pour étudier les rapports entre les chiffres et les choses. Par ces algorithmes ce sont, en quelque sorte, les données qui parlent. On peut alors analyser visuellement les données et faire des déductions. Data visualisation est donc indissociable de data, de l’ensemble des données.
En ce qui concerne l’infographie, les données (empiriques ou scientifiques) ont déjà été traités, des conclusions ont déjà été tirées. L’infographie vient alors montrer, étayer l’idée issue des conclusions, en s’appuyant sur des illustrations et des fois sur des résultats chiffrés ponctuels, sans jamais utiliser un ensemble de données.
Ce n’est alors pas étonnant de voir des infographies comme la marche du progrès : elles sont l’illustration d’une idée, d’une conception du progrès et de l’évolution (très occidentale). Le travail illustratif est, ici, extrêmement révelateur d’une pensée. Ceci ne veut pas dire que la data visualisation est exempte de manipulations questionnables, ne serait-ce que dans le choix des données utilisées. Mais bon, cela est un sujet qui nécessiterait un article à part entière.
Infographie et data visualisation sont donc différentes, et je n’expose ici que quelques refléxions en cours à ce sujet. D’ailleus, je ne suis pas la première à m’être posée la question, loin de là. Je pense qu’il reste encore des choses à dire et à écrire, du coup carte blanche à vous pour laisser vos commentaires et proposer des pistes.
PS : L’image à la une est une capture d’écran du tableau de bord de mon ancien compte YouTube.
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Freelance interactive designer / passionate about electronic textiles, making and cats